Pourquoi je n'ai pas peur de la menace de prison.

05/05/2022

Bonjour à tous,

Aujourd'hui j'aimerai vous écrire un article un peu plus personnel, un peu à la façon des « épisodes » que j'avais écris dans mon livre publié en 2020 et téléchargeable sur ce site. Pour rappel nous sommes avec mon mari en désobéissance civile contre l'Etat concernant le régime d'autorisation instauré par le gouvernement, et remplaçant l'ancien régime déclaratif de l'instruction en famille. Nous ne demanderons pas à l'Etat l'autorisation d'éduquer notre enfant, nous désobéissons donc, et nous le faisons publiquement, médiatiquement, politiquement, aux côtés du collectif Enfance Libre.

Beaucoup de familles ne souhaitent pas désobéir civilement (alors que le cœur y est) face à cette loi car elles ont trop peur de l'amende, de la prison et/ou du placement de leur enfant.

Laissez-moi vous raconter au travers d'une expérience personnelle pourquoi je n'ai pas peur de la menace de prison...

Fin novembre 2021 j'ai eu le Covid. Cela a réveillé et attaqué un organe anciennement faible chez moi : mes poumons. De surinfections en surinfections, j'ai fini à l'hôpital (sans même pouvoir dire au revoir à mon fils), je ne pouvais plus respirer, mes poumons se noyaient littéralement dans leurs glaires. Ils ont dû m'intuber, me sangler et me mettre sous coma artificiel pour supporter le respirateur. Le coma artificiel a été long, douloureux et cauchemardesque. Avec les produits chimiques à hautes doses pour provoquer le coma, cela a eu pour conséquence de créer un bad trip éternel, qui n'en finissait jamais. Un à un je voyais l'ensemble de mes proches mourir par exemple. Mes délires étaient peuplés de morts, violences diverses, tortures, viols, guerres, etc. tous plus réalistes les uns que les autres. Avec toujours cette sensation dans mes cauchemars du tube très douloureux, ainsi que des sangles. J'étais prisonnière de corps et d'esprit. J'ai plongé au fond de moi, dans mes peurs les plus profondes, dans mon Moi le plus noir. Quand ils essayaient de me réveiller, je confondais délire et réalité, et je croyais réellement que mon mari, mon fils étaient décédés par exemple. Je voulais leur demander si cela était vrai mais avec le tube, impossible de communiquer avec les soignants... Un enfer... Et je ne tenais pas donc ils me remettaient dans le coma... Alors dans mon coma, j'ai voulu mourir, j'ai voulu me laisser aller, à quoi bon de toute façon, ma vie n'était plus que douleur et tout le monde était mort dans mon entourage, j'en étais persuadée !

Mais dans mon coma, je percevais également une partie de la réalité, comme la soignante qui me lavait par exemple, ou quand les soignants téléphonaient... Un jour j'ai entendu une infirmière qui téléphonait à mon mari.. un espoir au bout du tunnel.. Vincent est-il vivant ? Et puis un jour lors d'une phase d'éveil Il est venu, il était là et me parlait de Simon mon fils. Donc il était bien vivant et mon fils aussi, et ils se portaient bien tous les deux ! Le jour d'après je replonge, coma artificiel à nouveau, et là c'est la descente aux enfers, mais au fond de moi je savais que désormais ils étaient vivants. Parmi les nombreux cauchemars plus horribles les uns que les autres (dont Simon laissé à l'abandon, placé, etc.), je prie des mantras bouddhiques, je prie, je prie et je prie pour m'en sortir : ils sont vivants ! Je prie de toutes mes tripes et de tout mon cœur. Je veux vivre. Je sens pourtant que je vais passer de l'autre côté mais je prie encore et encore de toutes mes forces, c'est l'Amour qui me retient. Nous étions le 31 décembre, et les soignants n'avaient plus aucun espoir pour moi, ils ne savaient plus quoi faire de mon cas, cela faisait déjà un mois que j'étais dans le coma, et j'allais de mal en pire chaque journée qui passait. Ils avaient prévenu mon mari de cette situation. J'ai failli ne jamais finir l'année.

Et puis de l'autre côté, à la maison, il y avait Lui, Vincent, mon mari. Lui qui luttait quotidiennement pour survivre, pour garder Simon en IEF et travailler en même temps. Lui qui se démenait avec les administrations et l'hôpital en mon absence. Lui qui recevait chaque jour de la part de l'hôpital des pronostics de plus en plus sombres. Lui qui me rendait visite même dans mon coma en voyant ma situation se dégrader, en me voyant si mal et mon corps tout boursouflé car couvert d'œdèmes (conséquences du coma). Lui qui souriait devant Simon et lui expliquait ce qu'il se passait avec des mots adaptés. Mais lui qui pleurait chaque soir une fois Simon endormi, ou avant de me rendre visite. Et Simon quasi orphelin de mère qui vivait chaque jour avec ce manque lui aussi. Ils étaient si résilients, si forts et si courageux.

Le mois de janvier 2022 arrive, et je suis toujours dans le coma. Mon mari travaille dans les médecines naturelles. Mes poumons étaient gorgés de glaires et quand mon mari posait sa main sur mes poumons ça faisait « glouglouglou » paraît-il. Mon mari dit aux soignants qu'il faut absolument me faire un drainage lymphatique pour que mes poumons ne se noient plus. Les soignants lui répondent que non, ils le feront si je me réveille et que je vais mieux. Mais je ne pouvais pas aller mieux et me réveiller bien sans drainage selon mon mari. C'était le serpent qui se mordait la queue. Mon mari finit par faire intervenir une amie ostéopathe qui me fait un drainage lymphatique en réflexologie, avec l'accord de l'hôpital. Je finis par vomir mes glaires. 3 fois. Les soignants ont peur, ils pensent que la situation se dégrade. Mon mari et notre amie sont rassurés, ça y est je vais pouvoir enfin m'en sortir. Je fais encore quelques semaines de coma et je me vois mourir dans mon coma, sans doute une mort initiatique... je finis pourtant par me réveiller bien et une fois pour toutes. Eux les soignants n'y croyaient pas. Lui a toujours gardé l'espoir. J'ai toujours le tube et ne peux communiquer. Je finis par respirer par moi-même un peu et de mieux en mieux au fil des jours. Après plusieurs jours, les soignants me détubent en appréhendant les séquelles neurologiques liées à l'intubation. L'enlèvement des sangles, puis du tube me libèrent d'un poids et de douleurs énormes. Ils me disent de dire bonjour. Je leur dire 'bonjour' avec la voix de Marge Simpson (conséquence de l'intubation). Ils crient de joie et m'applaudissent. « Vous êtes une championne, il y avait tellement peu d'espoir ». J'ai toute ma tête et aucune séquelle neurologique. Et une liberté retrouvée en partie.

A la sortie du coma, tous mes muscles ont fondu et je suis quasiment tétraplégique, il faut tout réapprendre : parler, manger, se mouvoir, marcher etc. Du service de réa, je passe dans un autre service, puis encore un autre. Je vois de mes propres yeux la déliquescence de l'hôpital public : pas assez de personnel, manque de soins, manque d'hygiène, pas de mobilisation. Je suis abandonnée à mon propre sort de tétraplégique alitée toute la journée. Seule une photo de ma famille scotchée au mur d'en face pour compagnie parmi quelques visites. En voyant cette maltraitance institutionnelle, et une fois que je ne suis plus du tout reliée à aucun fil, perfusion etc. Vincent me propose de poursuivre l'hospitalisation à la maison au lieu du centre de rééducation qui m'attendait mais dans lequel je n'aurai pas pu avoir de visites. Lui me faisait ce cadeau avec tout l'Amour qu'il me porte. Mais serait-il capable de s'occuper de la charge d'une handicapée qui ne sait pas marcher, pas aller aux toilettes, pas s'habiller, etc. en plus de tout le reste ? Oui, il s'en sentait capable. Il aurait soulevé des montagnes pour moi et pour me sortir de cet enfer blanc. 3 mois déjà que j'étais dans cet hôpital avec presque aucune visite... L'hôpital n'est pas d'accord pour me faire sortir, il pense que Vincent ne sera pas capable de tout assumer, et ne sera pas capable d'avoir tout le personnel et le matériel nécessaire à l'hospitalisation à domicile. Moi comme mon mari les envoyons bouler, ils sont de toute façon obligés d'accepter, nous connaissons nos droits. En un jour mon mari réussit à réunir tout le matériel et le personnel nécessaires à mon hospitalisation à la maison : lit médicalisé, personnels soignants, etc. Ce n'est pas des montagnes, c'est le système solaire entier qu'il aurait soulevé pour moi.

De retour à la maison, c'est tellement la Joie d'être de nouveau parmi les miens. Mon fils saute sur mon lit médicalisé et ne me lâche quasiment pas de la journée. Mon mari et mon fils m'avaient tellement manqué. Parfois je pleure en pensant à tout ce que j'ai perdu et entre autres mon projet professionnel (j'avais prévu d'être assistante maternelle pour être plus en alignement avec mes passions et j'avais démissionné de mon ancien job, juste avant mon coma) : j'ai peur de ne plus pouvoir marcher car tout est tellement difficile, je peux à peine m'asseoir dans mon lit et je suis tout le temps fatiguée. Mais les miens me soutiennent. Et j'apprends que pendant mon coma, des dizaines voire des centaines de personnes m'ont aidé plus ou moins directement en priant pour moi, en me faisant des soins à distance, en aidant Vincent pour garder Simon, l'emmener à l'hôpital ou autre. Et encore des dizaines d'autres me proposaient leur aide lors de mon retour à la maison : soins divers, portage de courses, prêt de matériel de motricité etc... et tout cela bénévolement. Je pleure cette fois-ci de joie, je ne pensais pas qu'une famille pouvait être autant soutenue, toutes ces personnes sont tellement belles. Elles me disent c'est normal Amélie, tu as tant donné avec Vincent avant ton coma, c'est un juste retour des choses. Car au final, même si l'on donne sans attendre, la Vie finit toujours pas nous redonner d'une manière ou d'une autre. Je décide au fond de moi que quand je serai guérie je redonnerai au centuple tout ce que j'ai reçu et je reçois. La solidarité et le soutien que je reçois sont énormes. L'hôpital m'avait prédit un an avant de pouvoir remarcher. Un mois après je commence à remarcher un tout petit peu avec l'aide de ma kiné. Cette kiné qui m'a tant appris à tout refaire, me remuscler, m'asseoir, me mettre debout, marcher, écrire, monter les escaliers, conduire, etc. Une vraie Renaissance. Je vois aujourd'hui enfin le bout du tunnel même s'il me reste encore pas mal de chemin à accomplir, notamment en terme d'endurance. Je suis si heureuse d'être en Vie et d'être entourée d'un mari et d'un fils extraordinaires, je n'ai pas d'autres mots. Et la saveur de l'instant présent avec eux est encore plus délicieuse qu'auparavant. Pourquoi dès lors, s'angoisser pour un futur qui n'arrivera peut-être jamais ?

Voilà, en ayant vécu tout cela, la maladie, la presque-mort, le handicap, la longue rééducation, le manque de mes proches, la prison de corps et d'esprit qu'est le coma sous intubation et sangles, la folie, je pense me sentir assez armée pour la désobéissance civile. J'aborde même plutôt cela avec une grande joie, car je sais que je combats pour une cause juste, pour mon fils et pour les générations à venir. Quelle cause plus noble que celle de préserver cette liberté pour nos enfants ? La prison ne me fait pas peur, tout simplement car j'ai déjà vécu en prison, une prison bien pire que celle à barreaux. Et que moi et ma famille, non seulement nous n'irons pas en prison, non seulement Simon ne sera pas placé, mais en plus nous gagnerons ce combat.

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